2019-05-07
 
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Du politique à l’intime

Du politique à l’intime

Défendre la place des arts dans une société moderne occidentale est un éternel combat. Les acquis, quels qu’ils soient, restent fragiles, menacés par la cause économique, soumis à la volonté politique. Même si les pressions conjuguées du rassemblement du 24 avril dernier et des interventions de l’opposition à l’Assemblée nationale ont forcé l’engagement du ministre de la Culture et des Communications à augmenter dès cette année le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), cela ne garantit pas de mesures à la hauteur des besoins ni de parti pris politique ferme et durable pour le développement des arts. Ainsi, en marge des actions menées par le Regroupement québécois de la danse et autres associations, nous avons collectivement intérêt à ce que chaque amoureux des arts s’en fasse l’ambassadeur auprès de ses concitoyens pour tenter de transformer les a priori négatifs et les réticences en curiosité et en élan. Un beau défi à relever.

Du pain et des jeux. Les philosophes de la Rome antique ont résumé dans cette expression l’idée qu’un peuple nourri et diverti est un peuple assoupi et docile. Avec son flot continu d’informations et la connexion perpétuelle au monde virtuel, la modernité rend, par certains aspects, l’accès plus difficile à cet espace-temps intérieur où l’art vient résonner et produire ses miracles. De quoi cristalliser les positions des détracteurs des arts. De quoi, aussi, influencer les choix du quidam moyen sur-sollicité – et j’en suis –, qui optera plus volontiers pour un divertissement facile que pour une proposition exigeant de lui un certain engagement.

À celui-là, il faut tendre la main. Ouvrir des portes lui permettant d’intégrer que l’art n’est pas si hermétique qu’il le croit, que le sens de l’œuvre lui appartient, que son opinion et son discours sont légitimes. À celui-là, il faut retendre la main. Rappeler que les déceptions font partie de la fréquentation des arts, qu’elles l’aident à affiner ses goûts, à définir ses préférences, que de nouvelles aventures lui sont toujours offertes. Les expériences répétées sauront le convaincre de l’intérêt de faire une place pour l’art dans sa vie bien mieux que toute forme d’arguments.

Ce qu’on appelle communément le développement de public, ce qu’on veut quantifier pour justifier l’intérêt d’investir dans les arts, est en réalité du développement de conscience, de l’entrainement à l’humanisme. Et si les plaidoyers, le lobbying et les banderoles sont nécessaires pour parvenir à se faire entendre de nos élus et autres décideurs, la politique commence dans la plus pure intimité de nos choix de vie. Des choix sur lesquels nous avons tout pouvoir. 

Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD

État d’urgence

À deux semaines de la Journée internationale de la danse, j’avais prévu de publier une apologie de la danse et de ses innombrables vertus. Les actualités culturelles me poussent à faire écho aux cris d’alarme qui retentissent depuis l’annonce du budget provincial et à lever le drapeau de la mobilisation. Les milieux artistiques s'affairent et un grand rassemblement se prépare pour le lundi 24 avril, au centre-ville de Montréal. Engagez-vous dès aujourd’hui à y participer. Il en va du destin de la création au Québec.

De quoi s’inquiète-t-on? Du désengagement politique à répondre aux exigences de la création artistique et de l’instrumentalisation de la culture à des fins électoralistes. On investit dans le béton et dans le spectaculaire, misant sur la production au détriment de la recherche. Ainsi, malgré les nombreux plaidoyers présentés par les artistes et les organismes culturels lors des consultations pour l’élaboration en cours de la nouvelle politique culturelle provinciale, malgré l’insuffisance notoire du budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et la nécessaire augmentation qu’implique la refonte historique de son modèle de financement, le budget provincial n’a prévu aucuns fonds supplémentaires dans les caisses de ce poumon de la création québécoise. Les conséquences s’annoncent dramatiques.

Si l’on considérait déjà devoir se serrer la ceinture, il faudra désormais sacrifier un quart de sa part de gâteau pour intégrer de nouveaux joueurs dans le cercle des organismes subventionnés au fonctionnement. Si l’on assure ainsi une forme de sécurité financière à un plus grand nombre d’organismes, dans la réalité des faits, la moyenne des crédits alloués ces cinq dernières années aux structures en danse nouvellement accueillies au fonctionnement ne dépasse pas 35 000 dollars. Cette somme étant souvent inférieure à ce que des demandes de subventions à projet peuvent permettre de récolter, stabilité financière peut finalement rimer avec possibilités réduites de créer. Est-ce là un moyen efficace d’aider un milieu à se structurer et une discipline à se développer? Et sans argent supplémentaire dans le budget du CALQ, ce nouveau modèle de financement ne devient-il pas antinomique avec son projet d’œuvrer au développement durable des arts?

Depuis le 29 mars, les médias ont assez généreusement relayé l’indignation et les inquiétudes des milieux artistiques qui s’activent pour tenter de faire changer la donne. Car, si le budget 2017 est voté et qu’on n’y peut rien changer, il nous reste encore une chance d’influencer la façon dont les crédits vont être répartis. Nos députés en discuteront le 24 avril prochain en après-midi. Profitons de cette journée pour manifester haut et fort notre désir de voir le budget du CALQ augmenté. Nous n’avons pas d’autre choix. Prenons part massivement à cette mobilisation.

Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD

 

Grand rassemblement

pour une augmentation significative du financement du CALQ
Lundi 24 avril 2017, de 12h à 13h
Lieu à confirmer

Confirmez votre participation ici

 

Signes extérieurs de valeur

Enfin! La danse a enfin pignon sur rue à Montréal! En plein cœur du Quartier des spectacles, dans le somptueux édifice Wilder. Les diffuseurs Tangente et l’Agora de la danse y ont déjà rejoint l’École de danse contemporaine de Montréal (EDCM) et la compagnie des Grands Ballets Canadiens de Montréal (GBCM) s’y installera en juin. Un évènement historique. Une avancée tout aussi majeure pour le développement et le rayonnement de la danse de création et de répertoire au Québec que la Maison pour la danse qui ouvrira prochainement ses portes dans la Capitale-Nationale.

Au soir de la toute première ouverture au public du Wilder Espace danse*, les visiteurs pétillaient de joie, de fierté et d’enthousiasme, transformant symboliquement l’édifice en immense flute de champagne. Malgré les traces bien visibles des travaux encore en cours, le lieu vibrait déjà d’un potentiel de bouillonnement créatif jusqu’alors inconcevable. Avoir enfin un lieu dédié à la danse. Avec des environnements de travail adaptés et inspirants pour les personnels administratifs, quatre salles polyvalentes à géométrie variable, des équipements à la fine pointe des technologies et un laboratoire de recherche et création.

De quoi pouvoir offrir aux créateurs de généreux et si nécessaires programmes de résidences, des conditions optimales de travail et de diffusion. De quoi favoriser l’émulation artistique et la communication intersectorielle grâce aux rencontres, programmées ou impromptues, entre équipes artistiques et administratives, artistes d’horizons esthétiques variés et sémillants étudiants de l’École de danse contemporaine de Montréal – désormais dotés de studios dignes de l’enseignement de niveau supérieur qu’ils reçoivent. Sans compter le brassage des publics entre les clientèles des deux diffuseurs, celles des cours récréatifs de l’EDCM, des ateliers du Centre national de danse-thérapie ou du restaurant des GBCM et les équipes des organismes gouvernemental et paragouvernementaux qui occuperont les étages supérieurs du Wilder.

À la fois incubateur de talents, carrefour de rencontres, espace de recherche, de découverte, de création, de réflexion et de diffusion, le Wilder s’annonce comme un haut lieu d’épanouissement pour la danse professionnelle. En inscrivant cet art dans l’espace public de manière aussi imposante, il valide son importance et sa valeur aux yeux de tous. Car on a beau dire que l’habit ne fait pas le moine, afficher des signes extérieurs de richesse motive la reconnaissance et la considération de monsieur et madame Tout-le-monde.

Cette réalité s’illustre efficacement dans une vidéo de l’UNICEF montrant comment une enfant perdue est aidée de tous quand elle bien vêtue alors que, habillée de haillons, elle suscite la méfiance et le rejet. Des testeurs à l’aveugle qui couronnent un vin, influencés par le prix supposément élevé de la bouteille, en sont un autre exemple. Le cerveau humain est ainsi fait: ce qui évoque la richesse rassure, stimule le désir et l’adhésion. D’où l’avantage particulièrement précieux pour la danse d’avoir pignon sur rue. D’où la nécessité, aussi, de cultiver une forme de vedettariat pour réussir à mieux valoriser l’art chorégraphique dans les médias et donner l’envie au plus grand nombre de venir s’y frotter. Et s’il est dit que la richesse attire la richesse, espérons que les pouvoirs publics, dont les investissements actuels en culture passent à 60% dans le remboursement de projets comme le Wilder, augmenteront leur soutien financier aux artistes pour permettre à la danse de déployer toutes ses richesses et de briller de tous ses feux.


Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD 

 

* À l’occasion du premier spectacle de l’Agora de la danse (intra muros) et de Tangente (dans le métro Place-des-arts, en collaboration avec LA SERRE – arts vivants pour le 375e anniversaire de Montréal).

Congé parental et travail autonome

Artiste ou travailleur culturel, le désir d’enfant vous habite et vous planifiez plonger dans cette grande aventure familiale?[1] Saviez-vous que, comme travailleur autonome, vous pouvez recevoir des prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP)? Le RQAP soutient en effet financièrement les jeunes familles afin de favoriser le temps consacré aux enfants dans les premiers mois de leur vie. En tant que travailleur autonome, vous êtes admissible au congé de maternité, de paternité, ainsi qu’au congé parental si vous répondez à certaines conditions.

Les conditions d’admissibilité
Pour toucher ces prestations, il vous faut:

  • attendre un enfant et avoir cessé ou réduit vos activités de travailleur autonome d’au moins 40%;
  • avoir gagné au moins 2 000 $ comme travailleur autonome[2] l’année civile précédant votre demande et avoir versé une cotisation au RQAP;
  • résider au Québec au moment où vous faites votre demande de prestations et au 31 décembre de l’année civile précédente. Les résidents permanents et résidents temporaires sont également éligibles au congé parental s’ils respectent les mêmes conditions.

Régime de base ou particulier?
Au moment où vous remplirez votre demande de prestations, vous aurez à choisir entre deux régimes: le régime de base, qui correspond à des prestations moins élevées pendant une période plus longue, ou le régime particulier, qui offre des prestations plus élevées sur une plus courte période. Votre choix s’appliquera à l’ensemble des prestations et vous ne pourrez changer de régime une fois votre décision prise.

Les types de prestations
Il existe trois types de prestations versées par le RQAP:

  • Le congé de maternité est exclusif à la mère qui a donné naissance. Si vous choisissez le régime de base, vous y avez droit pour un nombre maximal de 18 semaines à 70% du revenu hebdomadaire moyen. Avec le régime particulier, c’est 15 semaines de prestations à 75% du revenu hebdomadaire qui vous seront accordées.
  • Le congé de paternité est exclusif au père biologique. Il peut démarrer au plus tôt dès la semaine de naissance et durer au maximum cinq semaines avec le régime de base à 70% du salaire hebdomadaire ou trois semaines à 75% avec le régime particulier.
  • Le congé parental peut être partagé entre les parents et est d’une durée maximale de 32 semaines avec le régime de base ou de 25 semaines avec le régime particulier.

Il vous suffit de remplir un formulaire en ligne la semaine où vous souhaitez démarrer vos prestations. Chacun des parents doit faire sa propre demande de prestations.

D’autres ressources à votre disposition
Les danseuses travailleuses autonomes sont admissibles au programme de la CNESST Pour une maternité sans danger, pour un arrêt préventif qui permet de recevoir des indemnités jusqu’à quatre semaines avant l’accouchement.

Le programme de soutien à l’entraînement des interprètes offert aux membres du RQD permet aux danseuses de s’entraîner jusqu’à la naissance et de se remettre en forme après l’accouchement, en vue d’un retour au travail. Au moment de déposer votre demande de soutien, pensez à joindre le certificat de naissance de votre enfant!

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les sites suivants:

Régime québécois d’assurance parentale
Pour estimer le montant auquel vous auriez droit, utilisez le simulateur de prestations.
Éducaloi
CNESST Pour une maternité sans dangers


[1] Ce bulletin ne traite pas des prestations d’adoptions.

[2]  Est considéré comme travailleur autonome, au sens fiscal, une personne qui déclare ses revenus à l’annexe L (lignes 22 à 26) de la déclaration d’impôt provincial. Ces revenus sont également appelés revenu net d’entreprise (revenu assurable) et soumis aux cotisations du RQAP.

Pratiques et identités artistiques de la directrice et du directeur des répétitions

« Un métier qui n’a pas d’identité, qui est sous-estimé, pour lequel le professionnel ne reçoit pas de formation spécifique et ne se reconnait pas dans ses attributions, est un métier inexistant ou, à tout le moins, indéfini et transparent. » Dans son mémoire Reprendre, transmettre, traduire: la pratique créative du répétiteur de danse contemporaine, la chercheuse brésilienne Paola S. Braga associe la fonction de répétiteur à une « activité souterraine qui ne s’énonce pas d’elle-même. » Sans contredit, ses propos ne sont pas sans rappeler la situation de plusieurs artistes québécois qui ont acquis de manière autodidacte ce profil, et celle, toujours d’actualité, des diplômé(es) en danse qui aspirent à la direction des répétitions. La formation que nous avons eu le privilège et le plaisir d’élaborer et d’animer conjointement au RQD à l’automne 2016 est venue soutenir et enrichir la démarche de praticiens intéressés à approfondir leur compréhension de la fonction.

En nous appuyant sur le Profil des directrices et directeurs des répétitions réalisé par le RQD en 2011, nous avons vu dans la mise sur pied de cette formation l’opportunité de développer un dialogue faisant se répondre nos expériences et notre vision personnelle du métier. Une vision commune de la transmission de ce savoir s’est rapidement dégagée de ces échanges. Refusant d’imposer un modèle formaté de la directrice et du directeur des répétitions, nous avons voulu offrir aux artistes en quête de ressourcement la possibilité de réfléchir individuellement et collectivement autour de problématiques artistiques et relationnelles en trait avec la direction des répétitions. À travers le partage de nos recherches théoriques et à la lumière de nos nombreuses années d’expérience sur le terrain, nous souhaitions éclairer les différentes facettes de la fonction, provoquer chez chacun une prise de conscience de ses acquis, faciliter l’analyse de son propre mode d’intervention et la définition de son identité artistique.

Quatre professionnels de la danse aux expertises riches et distinctes se sont engagés dans le projet: Caroline Gravel, Jean-François Légaré, Sonia Montminy et Daniel Villeneuve. Des artistes inspirants et motivés par la possibilité de mieux saisir les enjeux de la direction des répétitions. Les participants ont d’abord participé à neuf ateliers interactifs abordant des thèmes précis dont les types de regards posés sur l’œuvre et les modes d’interventions verbal et non verbal. L’ampleur des champs de réflexion et la pluralité des axes à partir desquels nous avons pensé la fonction de direction des répétitions nous ont amenées à présenter un large contenu. Un partage copieux de connaissances qui aurait pu être indigeste, mais qui semble surtout avoir suscité chez chacun le désir de creuser davantage les notions abordées. Ces ateliers ont pu jeter un nouvel éclairage sur la pratique individuelle des participants, validant ainsi certains savoir-faire, confortant des choix ou motivant des tentatives de changement. L’exploration de thématiques fécondes nous a aussi amenés à traiter d’enjeux larges, qui concernent l’ensemble des membres du RQD, comme la résolution de conflits et l’éthique.

Dans les prochaines semaines, nous effectuerons des suivis individuels avec les quatre participants afin de répondre à des besoins spécifiques. Un accompagnement sur mesure qui pourra prendre différentes formes, sur le terrain ou hors studio.

La formation Pratiques et identités artistiques de la directrice ou du directeur des répétitions s’inscrit dans une logique de consolidation du métier en danse contemporaine au Québec. Surtout, elle confirme la capacité du milieu à préserver et transmettre ses savoirs dans un climat d’ouverture et de confiance.

 

En complément:

À l’image : les étudiants de 3e année de l’EDCM avec Jean-François Légaré, répétiteur et Jacques Poulin-Denis, chorégraphe

Prière aux dieux du financement des arts

Tandis que les ours hibernaient et que les écureuils puisaient dans leurs réserves, bien des organismes en art se vouaient corps et âmes à produire les demandes de Soutien à la mission à déposer le 1er février au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Une épreuve aux allures de marathon qui, une fois accomplie, laisse les coureurs dans l’expectative. En attendant les verdicts qui tomberont en juillet, les espoirs semblent aussi justifiés que les craintes.


«Un mois et demi de congé sans solde pour travailler à temps double, un isolement quasi total dans les trois dernières semaines, plus de 650$ investis en experts-conseils, 150 pages déposées… et du retard dans tous les autres dossiers!» Voilà comment une chorégraphe à la tête d’une petite compagnie résumait dernièrement sur Facebook l’expérience de la rédaction d’une demande de subvention pluriannuelle au fonctionnement. Une émoticône en forme de sourire ponctuait la dernière phrase de son statut: «Pour ceux qui pensent que c'est simple, la vie d'artiste.» Mieux répartie dans les organismes de plus grande taille, la charge de travail d’une telle demande n’en a été moins lourde pour personne. Beaucoup d’efforts, donc, doublés de prières lancées à l’univers pour que les besoins soient entendus et les vœux, exaucés. Car dans la grande roue du financement des arts, il y a beaucoup d’appelés et beaucoup moins d’élus.

Au fil des 20 dernières années, de très nombreuses carrières ont été contrariées par l’équation entre la croissance démographique dans le milieu de la danse et le sous-financement de la discipline. Les voix s’élevant progressivement pour réclamer plus d’équité dans la répartition des ressources ont finalement trouvé écho dans les nouvelles orientations du CALQ: les fonds seront désormais attribués sans égard à l’historicité et 25% de l’enveloppe réservée au fonctionnement des organismes ira dorénavant à des structures d’un an et plus jusqu’alors soutenues au projet. Une forme de stabilité leur sera ainsi offerte avec une aide adaptée dans la durée à leurs perspectives de développement. Plus de compagnies se verront donc ouvrir l’accès à un soutien au fonctionnement et les montants alloués au moins nanties pourraient aussi être bonifiés. De quoi, a priori, favoriser la structuration du milieu de la danse en facilitant l’essor de jeunes organismes.

La démarche est louable. Mais si le budget du CALQ n’augmente pas, le renforcement des uns passera nécessairement par la fragilisation des autres. Et l’appui aux artistes indépendants – statut revendiqué par une frange de la nouvelle génération qui ne croit pas aux vertus des modèles organisationnels traditionnels – ne sera pas plus grand. Sans compter les mesures budgétaires nécessaires pour relever les défis du numérique et de la diversité culturelle.

On espère donc que le gouvernement du Québec n’attendra pas d’avoir établi sa nouvelle politique culturelle pour accroître, dès le prochain budget, son investissement dans les arts. Comment le développement artistique durable prôné par le CALQ pourrait-il se concrétiser autrement?

Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD

Patrimoine de la danse: Que va-t-on laisser et comment?

La richesse du répertoire chorégraphique québécois et de son histoire mérite d’être connue de tous. Encore faut-il avoir les moyens et l’expertise nécessaires à sa sauvegarde et à sa mise en valeur. L’État des lieux en patrimoine de la danse professionnelle au Québec, amorcé par le Regroupement québécois de la danse en 2014, donne l’heure juste sur les besoins, les préoccupations et les défis du milieu de la danse professionnelle pour ce qui touche à la préservation et à la mise en valeur de son héritage. Et ils sont nombreux! Désireux de doter la communauté de la danse d’outils structurants en matière d’archivage et de conservation, le RQD relance son chantier Patrimoine et confie à Gabrielle Larocque le mandat de finaliser l’état des lieux et de coordonner les rencontres d’une toute nouvelle Table de concertation en patrimoine qui contribuera au développement d’un cadre d’intervention. La chargée de projet a aussi le mandat de mener à bonne fin les travaux entourant la 4e version de la Toile-mémoire de la danse au Québec.

Des professionnels de la danse se pencheront bientôt sur la dernière version de l’état des lieux afin d’en valider le contenu, voire de le bonifier avant publication. Une vingtaine de membres et partenaires concernés par la documentation, la conservation, la transmission et la diffusion du patrimoine de la danse ont ainsi été invités à participer à cette Table de concertation en patrimoine qui réunira organismes de services, diffuseurs, bibliothèques et musées. Ces membres ou proches de la communauté de la danse accompagneront l’élaboration d’un cadre d’intervention en patrimoine visant à doter le milieu de mécanismes de travail (formation, accompagnement, guides pratiques) et à le fédérer autour de stratégies communes. Un outil structurant indispensable au développement d’une culture de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine de la danse.

Dans les prochains mois, Gabrielle Larocque finalisera également la recherche iconographique autour de la Toile-mémoire et réunira à cet effet quelques fins connaisseurs de l’histoire de la danse québécoise pour valider les informations accompagnant le matériel visuel. De quoi se remémorer la petite comme la grande histoire de la danse québécoise en bonne compagnie! Parallèlement, elle établira un plan de valorisation du patrimoine de concert avec la responsable des communications du RQD et étudiera les possibilités de diffusion et de mise en valeur de la Toile-mémoire de la danse au Québec.

N’hésitez pas à communiquer au RQD toute information utile sur les enjeux du patrimoine en danse!

Nous en 2017

Chaque début d’année nous ouvre une page blanche à colorer d’espoirs, de rêves et de résolutions avec le désir sous-jacent de vivre mieux dans un monde meilleur. Au-delà des décisions politiques qui présideront en grande partie à nos destinées de professionnels de la danse, quel pouvoir individuel et collectif avons-nous de rendre cette année plus belle que la précédente?

Nous avons le pouvoir de bien nous informer pour une plus grande lucidité et de choisir de rester positifs. De reconnaître les efforts fournis au sein de la communauté pour améliorer les conditions de travail, partager des expériences, des ressources humaines ou matérielles, offrir des occasions d’apprentissage, des espaces de réflexion, des résidences de création, faciliter la rencontre des générations, soutenir la relève, multiplier les échanges internationaux, valoriser la discipline, ses acteurs, son patrimoine, tisser de nouveaux liens avec les publics… Nous avons le pouvoir de reconnaître que toutes ces actions sont nécessaires à l’avancement de la discipline même si nous n’en tirons pas personnellement profit.

Nous avons le pouvoir d’encourager nos pairs, de saluer leurs bons coups et de les critiquer de façon constructive. D’engager le dialogue quand un contrat ou une situation ne nous conviennent pas. De briser le silence pour défendre nos droits et notre intégrité. De dire «non».

Nous avons le pouvoir de repousser nos limites, de renoncer à l’impossible, de changer notre fusil d’épaule, de demander de l’aide et de tendre la main. De prendre soin les uns des autres. Nous avons le pouvoir, aussi, de nous engager concrètement pour influencer l’évolution de dossiers qui nous tiennent à cœur, de nous mobiliser pour défendre la cause de la danse par tous les moyens.

Pour 2017, je nous souhaite de rester unis et solidaires quoi qu’il advienne et, en m’inspirant de Gandhi, d’incarner le changement que nous voulons voir en ce monde et de mesurer nos succès à l’aune des efforts que nous déployons pour les atteindre et de la cohérence entre nos désirs, nos paroles et nos actes.

 

Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD

Gloire aux lutins de la culture

Croire au Père Noël, c’est croire en l’immanence de la bonté, intégrer l’idée que tous les enfants naissent égaux en droits et développer la conscience sociale du nécessaire partage avec les plus démunis. En plus de stimuler l’imaginaire qui permettra plus tard de trouver des solutions inédites face aux aléas, ce mythe cultive la patience et nourrit l’espoir en la vie: quoiqu’il arrive, viendra toujours un temps où l’on aura accès à quelque chose de bon pour soi. L’idée s’ancre à tel point dans l’inconscient collectif que Noël parvient parfois à s’imposer comme une trêve jusque dans les conflits armés. Mais s’il devient rituel dans la période des Fêtes avec opérations de solidarité généralisées, rencontres et présents offerts aux êtres chers, l’esprit du don et du partage est la sève sans laquelle le milieu des arts, et plus particulièrement, celui de la danse, ne pourrait pas survivre.

Lutins sacrificiels
Tout au long de l’année, les artistes et autres travailleurs de la culture s’échinent sans compter pour que des œuvres adviennent et pour que le plus de citoyens possible aient accès à l’art d’une manière ou d’une autre. Les enseignants multiplient les heures non rémunérées pour faire entrer la médiation culturelle dans leurs établissements et les propriétaires d’écoles de loisirs tirent tous le diable par la queue. Tandis que la croyance populaire conçoit la vie d’artiste comme un Éden où se conjuguent plaisir, bombance et insouciance, nombre de chorégraphes cumulent les casquettes de créateur, de gestionnaire, de communicateur et d’agent de développement, et bien des interprètes en danse, en plus de veiller à entretenir leur outil de travail entre deux contrats, enseignent ou occupent d’autres emplois à temps partiel pour dépasser le seuil de la pauvreté. Même réalité pour plusieurs collaborateurs artistiques. Quant aux travailleurs culturels de tous ordres, ils donnent pour beaucoup de leur temps et expertise en siégeant au conseil d’administration d’un ou de plusieurs organismes, les cadres étirant leurs 35 heures jusqu’à les doubler pour mener à bien leur mission.

Résultat: les acteurs de la danse et autres milieux culturels développent une polyvalence, une capacité de travail et une créativité que le secteur privé encense et pourrait même envier. Sans compter que leur contribution au PIB est plus élevée que celle de plusieurs autres secteurs économiques. Malgré cela et malgré le fait qu’ils regroupent un grand nombre de travailleurs autonomes, statut au cœur des enjeux pour la main d’œuvre de demain, ils restent dans l’angle mort des décideurs et comptent parmi les grands absents des réflexions politiques sur le développement de la main-d’œuvre. Des nouvelles à venir sur le sujet et sur les actions à mener dans les Québec Danse Hebdos de 2017.

Le repos des lutins
Pour l’heure, restons-en à un beau chant de Noël pour rendre grâce à tous ceux et celles – professionnels de la danse, administrateurs et autres bénévoles, mécènes et autres bailleurs de fonds et aussi, spectateurs – qui donnent en temps, en présence, en commandites ou en espèces sonnantes et trébuchantes pour que la danse soit, pour qu’elle vive et qu’elle vibre à la mesure du talent de ses artistes.

Pour toutes ces personnes que j’ai qualifiées de lutins parce qu’elles travaillent d’arrache-pied pour offrir, tout au long de l’année, le cadeau précieux des arts et de la culture à l’ensemble de la société, Noël s’annonce comme une pause obligée et bienfaisante. Une période de repos hautement mérité et de ressourcement, que je vous souhaite à tous et à toutes pleine de joie, d’amour, de temps de vivre et, pourquoi pas, de farniente. Car faire le vide, c’est aussi faire le plein pour créer un futur un peu plus grand que le présent. Joyeuses Fêtes!

 

Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD

Danse, éducation et politique

Dans la foulée des consultations publiques en cours sur la réussite éducative et de la nouvelle sur le jeune public publiée la semaine dernière, j’ai eu envie de ramener sur la table le sujet de la danse à l’école. La récente élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, parmi d’autres constats sur le triste état du monde, nous enjoint à une mobilisation massive et soutenue pour donner tous les moyens aux enfants de devenir des adultes accomplis et des citoyens éclairés. La fréquentation et la pratique des arts, dès le plus jeune âge, en font partie.

L’art, puissant marqueur identitaire
Élevée ailleurs qu’au Québec, j’ai eu à reproduire, vers l’âge de sept ou huit ans, des peintures telles que Le Coq de Pablo Picasso ou Le Clown bleu de Bernard Buffet. Ce sont des temps aussi forts dans ma vie d’écolière que les découvertes scientifiques ou les highs provoqués par la compréhension soudaine d’une donnée complexe. Je me souviens du plaisir à travailler les lignes, les formes, les couleurs. Je me souviens des émotions un peu troubles ressenties face à ces œuvres d’art moderne. Leur esthétique particulière s’était naturellement imposée à mon regard de fillette comme une représentation de la réalité parmi tant d’autres. Et à 15 ans, je prenais l’initiative d’un voyage au musée du Prado, à Madrid, pour voir une œuvre de Goya dont une reproduction avait suscité le débat dans mon cours d’espagnol. La pratique de la musique à l’école primaire n’a sans doute pas été étrangère non plus au fait que je puisse m’intéresser par moi-même à la musique classique, bien qu’elle ne fasse pas partie de ma culture familiale. Je garde par ailleurs le souvenir vibrant des lettres écrites collectivement à des écrivains et celui des explosions de joie à la réception de leurs réponses qui nous faisaient sentir que nous étions importants, que les enfants avaient le droit d’émettre des opinions ou de poser des questions pour mieux comprendre le monde et mieux s’y inscrire. Plus tard, toujours grâce à l’école, il y a eu les ateliers de théâtre avec l’exploration de l’expressivité, les visites au musée, parfois fascinantes, parfois ennuyeuses et des sorties au théâtre où l’émerveillement le disputait de temps à autre aux irrépressibles fous rires qu’éveillait la contemporanéité des formes.

Agréables ou dérangeantes, ces expériences se sont toujours doublées d’une profonde gratitude pour les enseignants qui m’offraient de les vivre. Car je sentais intimement à quel point elles me nourrissaient, forgeant mon esprit autant qu’elles développaient ma sensibilité et influençaient positivement ma façon d’être au monde.

La danse, facteur de développement et d’émancipation
Je n’ai pas eu l’occasion de vivre ce type d’expériences en danse – que j’ai pratiquée dans des écoles de loisirs centrées sur la virtuosité technique. Fort heureusement, les élèves d’aujourd’hui peuvent aussi passer par le corps pour se découvrir, apprendre et croître de toutes sortes de façons. Outre les nombreuses études ayant démontré que la pratique de la danse favorise le développement psychomoteur et social des individus, les neurosciences parlent désormais de «corps-cerveau» pour signifier l’implication simultanée du corps et de l’esprit dans les processus d’apprentissage. On souligne que la construction de sens – dont nous avons besoin plus que jamais! – passe par l’engagement du corps, par l’intelligence sensorielle, spatiale et motrice qui augmente quant à elle les capacités cognitives. Et l’on peut d’autant plus qualifier la danse d’arme de croissance massive que, selon la psychologie humaniste, le corps de l’enfant est aussi mis en jeu à travers son regard quand il est en position de spectateur. On avance même que le plaisir éprouvé dans le lien aux danseurs sur scène contribue à construire une sécurité de base et à favoriser l’estime de soi. Des idées largement développées dans le chapitre Le spectacle et l’enfant du I-Mouvance sur la danse jeune public publié en 2015 par le RQD. Alors, qu’attendent nos élus pour inscrire fermement la danse dans les programmes scolaires?

Militer pour la danse
Dans les trois axes qui guident les consultations publiques en cours, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur prône «l’atteinte du plein potentiel de tous les élèves; un contexte propice au développement, à l’apprentissage et à la réussite», nous invitant à contribuer «au développement d’une vision commune de la réussite éducative et à la réflexion sur les priorités pour l’atteindre». Profitons-en pour faire entendre nos voix de professionnels de la danse, de parents et de citoyens. Et ne limitons pas nos efforts à la durée des consultations ni à la sphère politique. Portons notre parole au quotidien et dans tous les contextes possibles. Car ce sont nos concitoyens qu’il faut aussi convaincre.

 

Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD