Prière aux dieux du financement des arts
Tandis que les ours hibernaient et que les écureuils puisaient dans leurs réserves, bien des organismes en art se vouaient corps et âmes à produire les demandes de Soutien à la mission à déposer le 1er février au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Une épreuve aux allures de marathon qui, une fois accomplie, laisse les coureurs dans l’expectative. En attendant les verdicts qui tomberont en juillet, les espoirs semblent aussi justifiés que les craintes.
«Un mois et demi de congé sans solde pour travailler à temps double, un isolement quasi total dans les trois dernières semaines, plus de 650$ investis en experts-conseils, 150 pages déposées… et du retard dans tous les autres dossiers!» Voilà comment une chorégraphe à la tête d’une petite compagnie résumait dernièrement sur Facebook l’expérience de la rédaction d’une demande de subvention pluriannuelle au fonctionnement. Une émoticône en forme de sourire ponctuait la dernière phrase de son statut: «Pour ceux qui pensent que c'est simple, la vie d'artiste.» Mieux répartie dans les organismes de plus grande taille, la charge de travail d’une telle demande n’en a été moins lourde pour personne. Beaucoup d’efforts, donc, doublés de prières lancées à l’univers pour que les besoins soient entendus et les vœux, exaucés. Car dans la grande roue du financement des arts, il y a beaucoup d’appelés et beaucoup moins d’élus.
Au fil des 20 dernières années, de très nombreuses carrières ont été contrariées par l’équation entre la croissance démographique dans le milieu de la danse et le sous-financement de la discipline. Les voix s’élevant progressivement pour réclamer plus d’équité dans la répartition des ressources ont finalement trouvé écho dans les nouvelles orientations du CALQ: les fonds seront désormais attribués sans égard à l’historicité et 25% de l’enveloppe réservée au fonctionnement des organismes ira dorénavant à des structures d’un an et plus jusqu’alors soutenues au projet. Une forme de stabilité leur sera ainsi offerte avec une aide adaptée dans la durée à leurs perspectives de développement. Plus de compagnies se verront donc ouvrir l’accès à un soutien au fonctionnement et les montants alloués au moins nanties pourraient aussi être bonifiés. De quoi, a priori, favoriser la structuration du milieu de la danse en facilitant l’essor de jeunes organismes.
La démarche est louable. Mais si le budget du CALQ n’augmente pas, le renforcement des uns passera nécessairement par la fragilisation des autres. Et l’appui aux artistes indépendants – statut revendiqué par une frange de la nouvelle génération qui ne croit pas aux vertus des modèles organisationnels traditionnels – ne sera pas plus grand. Sans compter les mesures budgétaires nécessaires pour relever les défis du numérique et de la diversité culturelle.
On espère donc que le gouvernement du Québec n’attendra pas d’avoir établi sa nouvelle politique culturelle pour accroître, dès le prochain budget, son investissement dans les arts. Comment le développement artistique durable prôné par le CALQ pourrait-il se concrétiser autrement?
Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD