2019-05-07
 
Cette section est réservée aux membres du RQD

Dance #WeToo

Dance #WeToo

// Version française

Since the emergence of the movement #Metoo last October, several female artists from Quebec have taken to the floor to denounce harassment, intimidation and abuse they have experienced or witnessed during the course of their careers. Few of these testimonies are from the dance community. While all these women are freeing their voices, with solidarity, pride and hope for change and fairness, we continue to whisper, remaining silent while witnessing behaviors and words that we know are unacceptable. Why is it that a community like ours, where 73% of its members are women, are still mute?

Ilse Ghekiere describes in her article #Wetoo: What dancers talk about when they talk about sexism, »being a dancer is not a ‘normal’ job. Our profession is directly linked to our body – a sphere that in most professions is usually considered private. This blurring of the private and the professional is a confusing, problematic and crucial point of tension in our field.”

Our body, object and work tool, makes us vulnerable. This vulnerability can be our strength, but when subjected to abuse, we become silent victims. And unfortunately, these abuses do not get out of our bodies, confining the violence and perpetuating it instead of letting it out and saying loudly #metoo, #wetoo.

Many of us have witnessed transgressions during the course of our careers. Whether it is a reputable doctor in our midst who abuses his power, or a colleague in a position of authority who attempts to transform a strictly professional relationship into a friendly and even an intimate relationship, or a choreographer who appropriates the body and sexuality of the artist, with no concern for their integrity by requiring violent, demeaning and sexist movement and gratuitous nudity. Consent is a mere illusion when ceded through coercion.

It is imperative that we recognize that these types of abusive behaviors are not only cultivated and ingrained in our dance training, but that they have infiltrated the ecology of our environment and continue to affect us all. We specifically learn to respect the code of silence, the pack mentality that demands us to stifle our voices and those of others to maintain our position and to protect our community from prying outsider eyes.

In September, in response to the publication of the text The code of silence by Marie France Forcier, fifteen female performers and choreographers got together to write a letter denouncing the rape culture in our community. When we started inviting colleagues to sign, we realized the extent of the problem: they were sympathetic to the cause and in agreement with the contents of the letter, but only a few dared to sign. The risk of serious professional consequences were too big for the majority.

We can break the silence. The traditions do not have to remain static, we have the power to change things and make our working environment a safe and inspiring space for all.

This is why our group is organizing a panel on sexual abuse in dance on March 1st 2018, in Montreal. Exceptionally, this event is open only to women. Since they are the majority of victims, we want to prioritize their voice this time. Allies will be invited to express their solidarity in subsequent actions. Let’s stand together, break the silence and dare to say #NousAussi, #WeToo.

 

Geneviève C. Ferron

 

 

 

Danse #WeToo

// English version

Depuis l’émergence du mouvement #metoo en octobre dernier, plusieurs femmes artistes du Québec ont pris la parole pour dénoncer le harcèlement, l’intimidation et les abus dont elles ont été victimes ou témoins dans le cadre de leur carrière. De tous ces témoignages, peu sont issus du milieu de la danse. Alors que toutes ces femmes libèrent leur parole, solidaires et fières, dans un espoir de changement et d’équité, nous continuons à chuchoter, à garder le silence devant des gestes et des mots que nous savons inacceptables. Pourquoi est-ce qu’un milieu comme le nôtre, composé à 73% de femmes, reste encore aujourd’hui si muet?

Comme l’expliquait récemment Ilse Ghekiere, dans son article #Wetoo: Quand les danseuses parlent de sexisme,  «le métier de danseur n’est pas un métier normal. Notre profession est intrinsèquement liée à notre corps. La chose corporelle relève de l’ordre du privé dans la majorité des autres professions. Cette conjonction du privé devenu public et professionnel constitue en soi un point de tension tout à fait crucial et problématique dans notre métier.» Notre corps, objet et outil de travail, nous rend vulnérables. Cette vulnérabilité peut devenir notre force, mais lorsqu’elle est soumise aux abus, nous en devenons les victimes silencieuses. Et malheureusement, ces abus ne sortent pas de notre corps, qui les enferme et les retient, se fait violence et perpétue cette violence, au lieu de les évacuer et de dire #metoo, #wetoo.

Nous sommes plusieurs à avoir été témoins de transgressions dans l’exercice de notre travail. Que ce soit un médecin réputé dans le milieu qui abuse de son pouvoir. Un collègue en position d’autorité qui tente de transformer une relation strictement professionnelle ou amicale en relation intime. Ou un chorégraphe qui s’approprie le corps et la sexualité de l’interprète, sans considération pour son intégrité, en exigeant des mouvements violents, humiliants, sexistes, une nudité gratuite… Le consentement est illusoire lorsqu’il est faussé dans un rapport de force.

Il nous faut impérativement admettre que ces comportements abusifs s’inscrivent dans la tradition de notre formation professionnelle, qu’ils ont infiltré l’écologie de notre milieu. Nous apprenons spécifiquement à respecter le code du silence, la mentalité de meute qui exige d’étouffer notre voix et celles des autres afin de conserver notre position et de protéger le groupe des regards extérieurs.

En septembre, en réponse à la publication du texte The code of silence de Marie-France Forcier, une quinzaine de femmes interprètes et chorégraphes, troublées et choquées, se sont regroupées dans le but d’écrire une lettre qui dénonçait la culture du viol et d’abus omniprésents en danse. C’est en invitant nos collègues à signer que nous avons réalisé l’ampleur du problème : elles étaient sympathiques à la cause et en accord avec le contenu de la lettre, mais seulement quelques-unes osaient signer. Le risque de subir des conséquences professionnelles graves était trop grand pour la majorité.

Nous pouvons briser le silence. Les traditions ne sont pas immuables, nous avons le pouvoir de changer les choses et de faire de notre environnement de travail un espace sécuritaire et inspirant pour tous. C’est pourquoi notre groupe organise une table ronde sur la culture du viol en danse le 1er mars 2018, à Montréal. Exceptionnellement, cet événement est ouvert seulement aux femmes, puisque ce sont elles la majorité des victimes et que nous voulons prioriser leurs voix cette fois-ci. Les hommes alliés seront invités à manifester leur solidarité prochainement. Soyons nombreuses à venir briser le silence et oser dire #NousAussi, #WeToo.
 

Geneviève C. Ferron

 

 

 

 

 

La Coalition La culture, le cœur du Québec, fer de lance des revendications des milieux artistiques

La Coalition La culture, le cœur du Québec (CCCQ) vient de marquer son tout premier anniversaire en rassemblant près de 300 personnes sous les fenêtres de l’Assemblée nationale. Son nom est encore méconnu, même des médias. Pourtant, avec une bonne quarantaine d’organismes-membres, elle témoigne d’une mobilisation exemplaire, pour ne pas dire historique, des milieux artistiques et culturels. Et les actions menées par son comité directeur, dont je fais partie, sont aussi nombreuses que décisives. C’est pourquoi je vous livre ce mois-ci une lettre de nature plus informative que d’habitude. Petite rétrospective du parcours du combattant de cette coalition à suivre de très près et à soutenir impérativement.

Sortir de l’ombre, refuser l’injustice
Tout commence avec un grand ras-le-bol. Celui que le secteur culturel soit écarté de toutes délibérations concernant le marché du travail et que les spécificités des artistes et travailleurs culturels contractuels passent littéralement sous le radar des décideurs.

Pour dénoncer ces aberrations aux conséquences malheureuses, une conférence de presse est organisée en février 2017 à Québec par un regroupement informel qui devient presque spontanément la Coalition La culture, le cœur du Québec. Le RQD intègre d’emblée son comité directeur qui rassemble une dizaine de représentants d’organismes-membres. Faute de moyens pour engager des consultants, nous nous retroussons les manches et nous attelons à la rédaction d’un Plan d’action pour les ressources humaines en arts et en culture. Objectif: voir ce plan intégré au projet de renouvellement de la Politique culturelle.

S’organiser, élaborer un Plan d’action
Le Plan d’action est dévoilé au printemps. En 8 pages, il dégage les enjeux en matière d’emploi, de santé-sécurité, de formation et 23 pistes d’intervention pour inspirer les ministères du Travail, de l’Emploi, de l’Éducation et de la Culture. La CCCQ prône en effet une vision globale de l’écologie des arts et de la culture et une approche transversale pour lui donner les assises dont elle a besoin. Demandes multipliées de rencontres auprès de ces ministères.

Juste avant l’été, le ministre de la Culture et des Communications (MCC), Luc Fortin, invite les membres de la CCCQ à participer à cinq comités de travail sur le soutien à la création et sur les conditions socioéconomiques des artistes et des travailleurs culturels.

Pour une Politique culturelle incluant les ressources humaines
Rentrée des classes accaparante pour le RQD et ses homologues de la CCCQ. À l’issue des rencontres des comités de travail, qui s’échelonnent de la mi-août à la mi-octobre, le MCC dégage 18 grands enjeux et 65 pistes d’intervention pour mieux répondre aux besoins des milieux artistiques et culturels. La CCCQ réitère alors le désir de voir ces points intégrés dans le plan d’action de la nouvelle Politique québécoise de la culture. Ses membres ont d’ailleurs défendu cette idée devant le ministre Fortin lors d’un Forum de consultations organisé début septembre, y ajoutant la nécessité d’une augmentation significative du budget de la culture.

En octobre, la nomination de Marie Montpetit au poste de Luc Fortin retarde le dévoilement de la nouvelle Politique culturelle et de son plan d’action. Le fait qu’aucun investissement en culture n’apparaisse dans la mise à jour économique du gouvernement Couillard inquiète les membres de la Coalition La culture, le cœur du Québec. Ronde de lettres et de coups de fil pour solliciter des rencontres dans différents ministères.

Mémoire économique et rencontres en hauts lieux
En décembre 2017, la ministre Montpetit rencontre le comité directeur de la CCCQ. Elle l’informe qu’elle travaille à l’élaboration du plan d’action de la nouvelle Politique québécoise de la culture, qu’elle souhaite voir assorti de mesures budgétaires. Un mois plus tôt, le ministère des Finances a indiqué que la Coalition serait invitée aux consultations prébudgétaires. Pour s’y préparer en développant des arguments à même de convaincre les économistes qui la recevront, la CCCQ commande un mémoire économique lui permettant de formuler cinq recommandations pour une Politique économique adaptée aux arts et à la culture. L’une d’entre elles est de hausser le financement des arts et de la culture de 1,1% à 2% du budget provincial.

Le mémoire est envoyé au MCC le jour où il est présenté à des représentants du ministère des Finances ainsi qu’à la vice-première ministre Dominique Anglade, ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation. Des deux côtés, on nous confirme que Marie Montpetit œuvre à l’élaboration d’un plan d’action pour la Politique culturelle avec des mesures budgétaires adéquates. L’idée de consacrer à la culture 2% du budget provincial semble envisageable. Rien ne nous est promis, mais des espoirs sont permis.

Battre le fer tant qu’il est chaud
Entre autres sorties médiatiques dans cette première année d’existence, le mémoire économique commandé par la Coalition est dévoilé en conférence de presse le 5 février 2018. Soucieux de saisir le momentum du renouvellement de la Politique culturelle et du prochain budget provincial, les membres de la CCCQ organisent un rassemblement devant l’édifice où siège l’Assemblée nationale à Québec. Près de 300 personnes répondent à l’appel avec une très belle représentation de la communauté de la danse. Des élus de l’opposition viennent rencontrer les manifestants et la ministre Montpetit assiste à toutes les allocutions, nous assurant de son soutien à la cause.

Dernière des quatre porte-parole de la Coalition à s’adresser aux manifestants, j’avais pour mission d’appeler à la mobilisation. Je poursuis cette mission en vous invitant aujourd’hui à puiser dans le kit de mobilisation du RQD pour faire entendre vos voix. Affichons nos slogans dans les médias sociaux, informons nos réseaux en relayant des informations pertinentes, écrivons à nos députés, proposons des reportages aux médias pour illustrer, par des histoires vécues, les dures réalités que nous cherchons à transformer. Et n’hésitons pas à porter ce discours politique jusque dans nos foyers.

 

Fabienne Cabado
Directrice générale du Regroupement québécois de la danse

2% du budget provincial pour les arts et la culture. Les milieux artistiques et culturels se dotent d’arguments économiques pour défendre leur cause

Montréal, le 5 février 2018 – En amont du renouvellement de la Politique québécoise de la culture, qui sera divulguée en avril, La Coalition La culture, le coeur du Québec renforce ses revendications pour la mise en oeuvre d’un plan d’action interministériel pour les ressources humaines en arts et en culture et pour l’augmentation significative du budget du ministère de la Culture et des Communications et de ses sociétés d’État. Elle dévoile aujourd’hui un mémoire économique qui s’articule autour de cinq recommandations susceptibles de répondre aux ambitions artistiques et culturelles du Québec.

Dans ce mémoire, la Coalition a confié aux économistes Pierre-Emmanuel Paradis et Audrey Azoulay la mission d’examiner la situation actuelle des arts et de la culture, et de dégager les avenues jugées nécessaires et utiles à un nouvel élan de la création artistique et de la production culturelle québécoises. Ce mémoire rappelle que les arts et la culture représentent un secteur singulier et stratégique dont les dimensions collective et nationale dépassent de loin les seules réalités marchandes des industries culturelles. La prochaine Politique québécoise de la culture et son plan d’action ne pourront véritablement se déployer sans une «Politique économique pour la culture et les arts» d’envergure. Ainsi, la Coalition recommande d’augmenter progressivement la part du financement public en arts et en culture à 2% du budget de l’État d’ici trois ans.

Les conclusions de ce mémoire ont été présentées le 2 février à la vice-première ministre et ministre de l’Économie, de la Science, de l’Innovation, madame Dominique Anglade, ainsi qu’au cabinet du ministre des Finances, monsieur Carlos J. Leitao, et ce, dans le cadre des consultations prébudgétaires. Il a été également adressé à la ministre de la Culture et des Communications, madame Marie Montpetit. En le rendant public, la Coalition espère contribuer à sensibiliser la population à l’état d’urgence que vivent les milieux culturels et artistiques et à l’importance de leur donner enfin un soutien financier à la mesure de leur apport socioéconomique autant qu’identitaire.

Source: 
Le comité directeur de la Coalition La culture, le coeur du Québec

Pour renseignements: 

Sylvie Raymond, coordonnatrice de la Coalition La culture, le coeur du Québec:
450 880-2562 ou sylvieraymond@ordiamicus.com

Catherine Escojido:
514 927-8807 ou cescojido@aqtis.qc.ca

La Coalition La culture, le coeur du Québec en bref 
La Coalition La culture, le coeur du Québec est née des suites de la campagne La culture, le coeur du Québec – Pour des carrières durables en culture, lancée le 14 février 2017 pour protester du fait qu’aucun représentant de la culture n’était invité au Rendez-vous national de la main d’oeuvre ni à siéger à la Commission des partenaires du marché du travail. Menée par un comité directeur composé des représentants d’une dizaine d’organismes membres, elle regroupe à ce jour plus de 40 organismes. Par cette Coalition, le milieu artistique et culturel s’unit pour militer en faveur de meilleures conditions pour les ressources humaines en culture.

Le comité directeur 
Christine Bouchard |En Piste – regroupement national des arts du cirque
Fabienne Cabado | Regroupement québécois de la danse
Louise Chapados | Conseil des métiers d’art du Québec
Gilles Charland | Alliance québécoise des techniciens et techniciennes de l’image et du son
Bastien Gilbert | Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec
Isabelle L’Italien | Conseil québécois des arts médiatiques
Sylvie Meste | Conseil québécois du théâtre
Sonia Pelletier | Regroupement des arts interdisciplinaires du Québec
Julie-Anne Richard | Réseau indépendant des diffuseurs d’événements artistiques unis Dominic Trudel | Conseil québécois de la musique

Autres organismes membres de la Coalition La culture, le coeur du Québec 
Association des libraires du Québec
Association des professionnels de l’édition musicale
Association des professionnels de l’industrie de l’humour
Association des professionnels des arts de la scène du Québec
Association québécoise des marionnettistes
Centre québécois de l’institut canadien des technologies scénographiques
Conseil de la culture de l’Abitibi-Témiscamingue
Conseil de la culture de l’Estrie
Conseil de la culture de la Gaspésie
Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches
Conseil de la culture du Bas-Saint-Laurent
Conseil québécois du patrimoine vivant
Conseil régional de la culture de Laval
Conseil régional de la culture et des communications de la Côte-Nord
Corporation culturelle des Îles-de-la-Madeleine, Arrimage
Culture Centre-du-Québec
Culture Lanaudière
Culture Laurentides
Culture Mauricie
Culture Montérégie
Culture Outaouais
Culture Saguenay-Lac-Saint-Jean
Diversité artistique Montréal
Guilde des musiciens et musiciennes du Québec
Illustration Québec
La danse sur les routes
Regroupement des artistes en arts visuels du Québec
Regroupement du conte du Québec
Réseau d’enseignement de la danse
Société de développement des périodiques culturels québécois
Société des musées du Québec
Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec
Théâtres Unis Enfance Jeunesse
Union des écrivaines et des écrivains du Québec

► Télécharger le communiqué

► Télécharger le mémoire économique

Que le spectacle continue…

// English version

Mais le doit-il vraiment? Ce vieil adage serait-il en réalité la source des pressions et des tensions qui se font de plus en plus ressentir sur l’ensemble de la chaîne création-production-diffusion?

La chaîne création-production-diffusion est complexe autant qu’essentielle, chacun des maillons étant interdépendant des autres. C’est en réalité plus une toile qu’une chaîne et le stress exercé tout au long du processus provoque une pression générale.

Les danseurs ressentent la pression de continuer de danser, peu importe la douleur ou l’inconfort, parfois pour une rémunération en dessous de la moyenne. Les chorégraphes ressentent la pression des diffuseurs de présenter le «bon» type de spectacle, celui qui plaira à leur public. Les diffuseurs ressentent quant à eux la pression des bailleurs de fonds pour remplir leurs salles. Tout le milieu se retrouve dans un presto, et jamais nous ne disons «non, le spectacle ne doit PAS continuer», du moins, pas dans ces conditions.

La complexité de la production artistique est que la passion en est le moteur. Et c’est cette passion qu’on exploite, qui fait accepter de mauvaises conditions de travail et nous pousse à faire des concessions pour que le spectacle continue.

Mais cette passion est aussi ce qui nous apporte tant de satisfaction quand, enfin, nous parvenons à accomplir le projet pour lequel nous avons travaillé si dur. Voilà le dilemme dans lequel nous nous trouvons.

Il y a un prix à payer pour continuer de travailler dans des conditions intenables. Et ce prix, c’est le capital humain. Infirmiers, enseignants, artistes… tous passionnés et dévoués à leurs professions, mais qui continuellement doivent se battre pour de meilleures conditions afin de parvenir à travailler sans s’épuiser.

Alors, que pouvons-nous faire en attendant que les paradigmes mondiaux changent? Commençons par en apprendre un peu plus sur les autres maillons de cette grande chaîne-toile de création, production et diffusion de la danse. Plus nous comprendrons les rôles des autres autour de nous, plus fructueux et pertinent sera le dialogue.

 

Jamie Wright et Lük Fleury
Coprésidents du RQD

The show must go on…

// French version

Or does it? Is this old adage actually the source of the strain and pressures being felt more and more acutely across the whole creation-production-dissemination chain?

The creation-production-dissemination chain is a complex one, an essential one, each part interdependent on the others. More of a web than a chain, the stresses on each part extend into the others, pressure building on the whole web.

Dancers feel the pressure to keep dancing no matter what pain or discomfort, sometimes with below average pay. Choreographers feel the pressure from presenters to present the « right » type of show for their audiences. Presenters feel the pressure from funders to fill their seats. Everyone is in a pressure cooker and we are not saying « no, the show must NOT go on », at least not in these conditions.

The complex situation of working to produce art is that there is always passion as fuel. That passion is the thing that gets abused, that replaces proper working conditions, that pushes us to make concessions in order for the show to go on.

But that passion is also what brings us so much satisfaction when we finally get to accomplish the project we have worked so hard for. Hence the conundrum we find ourselves in.

There is a price to pay for continuing to work in untenable situations. And that price is human capital. Nurses, teachers, artists…all people who are passionate and devoted to their professions, and who must keep fighting for better conditions in order to continue practicing without burning out.

So what can we do while waiting for the world paradigm to shift? We can start by learning a bit more about what other people do around us in the big web-chain of dance creation, production and dissemination. The more we understand the roles of others, the more useful dialogue can occur.

 

Jamie Wright and Lük Fleury
RQD co-presidents

Échos du passé: Martine Époque

UNE FEMME

Martine. Elle a bien vite mâtiné son «peuchère» méridional  de l’accent québécois et, avec  Denis, son amoureux d’une vie, elle a fait rimer les prénoms de ses filles avec le sien. Me reviennent de façon désordonnée, bribes d’anecdotes, de sensations qui courent sur plus de 50 ans et mêlent vie privée et professionnelle. Je n’en garantis pas la chronologie et l’exactitude tant la mémoire est une fabrique de fiction.

On s’est connues à Paris à l’École normale d’éducation physique en 1962. Elle, déjà mordue de danse et de musique. Moi, sprinteuse tâtant du mime. Nous avons partagé de courtes vacances estivales non loin de son Six-Fours-les-Plages natal, puis on s’est perdues de vue avant de se retrouver au Québec fin 1960, l’une à  l’Université de Montréal, l’autre à l’Université Laval. En 1969, j’assiste, à un mois d’intervalle, à un spectacle  du Groupe de la Place Royale au Palais Montcalm de Québec, puis, invitée par Martine, à celui du tout nouveau Groupe Nouvel’Aire (c’était son nom avant que l’office de la langue française ne le rectifie!) à Vincent D’Indy. La roue est lancée. «Madame» (Chiriaeff) est venue en spectatrice. J’y fais la connaissance de Philippe Vita, Johanne Laporte, Sylvie Pinard, Denis Poulin et d’autres encore qui allaient devenir pour certains mes partenaires de danse des prochaines années. Passion partagée, peu de moyens, cours et répétitions le soir au sous-sol du pavillon d’éducation physique de l’U de M au ras des pots d’échappement, les soupers  au Joe Steak House, la bonne bouffe de Martine et les fous rires, les fous rires, les discussions… On déménagera au 451 Mont-Royal Est (actuellement Studio Bizz), sablant les planchers, élevant des cloisons. On est chez nous. La professionnalisation commence là. Priorité à la danse. Chacun trouve une fonction, outre celle de danser, dans la répartition des tâches.

Flashs. Un départ en Gaspésie un soir de Noël, en voiture, à quatre, Martine vient de nous annoncer qu’elle est enceinte, je prête des vêtements chauds. Lendemain matin de givre sous un soleil brillant. Heureux. Au Brésil, le bébé (sa seconde fille) dans son couffin, Martine donne un cours de sa technique, à  la coordination si complexe pour moi. À qui? Des étudiants d’université? Je ne me souviens pas. Il fait chaud dans le studio ouvert. Elle allaite à la pause. Au Brésil encore, sous un préau d’école, soir de spectacle, Martine ajuste les portés pour éviter de se cogner la tête sur les poutres trop basses. À un autre endroit, on refuse de danser sur un plancher où les clous dépassent. On reviendra le lendemain. À Ouro Preto, on s’érafle la peau sur du vieux plywood. On en a ri souvent.

Martine, la musicienne. Par elle, les compositeurs contemporains sont venus jusqu’à nous: l’ami André Prévost, Michel Longtin, Micheline Coulombe-Saint-Marcoux, Parmegiani et bien d’autres. Sous son impulsion, un lot d’aventures et de chocs esthétiques: la découverte des pionnières, Riopelle, Renaud, Sullivan dans nos studios, Cunningham, les performances de Myriam et Lawrence Adams, les professeurs invités, notamment la précieuse Linda Rabin.

«Bien sûr nous eûmes des orages», relatés dans son livre, des jours où des désaccords sur  des choix artistiques et le fonctionnement nous ont opposées. Dur pour elle, pour moi, pour nous tous. Pour des artistes en voie d’émancipation qu’elle avait «élevés». C’était le temps de partir vers d’autres défis.

Mais, tout au long de ces années, de belles solidarités ont été vécues autour des projets chorégraphiques (les siens et ceux de la «relève»), autour d’activités de «médiation culturelle» comme on dit aujourd’hui, d’enseignement à l’École du GNA. Solidarité encore, face à la précarité, aux coups durs de la vie des uns et des autres, des bonnes et des mauvaises critiques. Ah! Galloway, Gingras!

Martine, fonceuse, a toujours eu une longueur d’avance et de l’ambition pour nous, pour la danse. À L’UQÀM, où nous serons collègues, le programme de baccalauréat à peine en place, elle initie déjà celui de maîtrise que nous développerons à partir de son élan. Elle voit grand pour l’Agora – au début, pas toujours comprise du milieu –, et anticipe sa vocation. Nous suivons, épaulons, parfois essoufflées par ses accélérations, parfois récalcitrantes, mais consentantes au final. On connaît la suite.

La vie a fait son œuvre, nous a éloignées, sans que jamais mon attachement ne se délie. Il a été fait, je pense, d’un fond commun de convictions et de respect.

Michèle Febvre
24 janvier 2018

 

Mention photographique: Le Groupe Nouvelle Aire en répétition: on y voit Martine Époque, Johanne Vita, Michèle Bertrand, Monique Giard, Louise Gauvreau, Sylvie Pinard, Paul Lapointe, Philippe Vita et Solange Paquette, 1972. © Inconnu, Bibliothèque de la danse Vincent-Warren

Nous en 2018

Une chroniqueuse à la radio suggérait récemment de formuler des intentions plutôt que des résolutions pour la nouvelle année. Je l’ai trouvée bien avisée. Car on a beau entamer un nouveau cycle, on continue de traîner les casseroles dont on aimerait se départir et les montagnes à gravir pour accomplir nos missions n’en sont pas moins hautes ou moins abruptes. Les défis à relever pour le milieu de la danse appellent à la mobilisation de nos forces vives, à une solidarité fondée sur la recherche du bien commun.

L’an dernier à pareille date, je prônais les prises de pouvoir individuelles et collectives pour améliorer notre sort. Et grâce aux efforts conjugués des communautés artistiques, quelques millions ont pu être ajoutés au budget du Conseil des arts et des lettres du Québec, des actions ont été entreprises pour lutter contre les violences psychologiques et sexuelles et contre l’exclusion des personnes racisées, et le projet de Politique québécoise de la culture s’est enrichi de recommandations pour l’amélioration des conditions socioéconomiques des artistes et des travailleurs culturels. Quelques pas dans le bon sens ont ainsi été faits. Ceci dit, il reste bien du pain sur la planche pour 2018 et on manque encore de beurre à mettre dans nos épinards.

De fait, la précarité demeure insoutenable pour la plupart des acteurs du milieu de la danse. Mieux vaut, dit-on, ne pas trop en parler. Parce qu’elle n’est pas sexy et qu’elle brosse un portrait misérabiliste des milieux artistiques. Pourtant… Elle est bien réelle et donne lieu à toutes sortes de dysfonctionnements. En plus de limiter le développement disciplinaire et d'épuiser les individus, elle érode la confiance. Elle attise les rancœurs et les tensions. Elle nuit à la cohésion de notre communauté en favorisant la création de factions et en générant même parfois de faux débats. C’est elle qu’il nous faut combattre en premier lieu et avec la plus grande ardeur. C’est à elle qu’il nous faut résister en priorité.

C’est entre autres pour cela que le RQD a été fondé il y a plus de 30 ans. C’est vous, ses membres, qui transformez sa vision et guidez ses actions au fil du temps. C’est de votre engagement qu’il tire sa force. Grâce à vous et grâce au dévouement de ses équipes successives, il a déjà soulevé quelques montagnes. Ensemble, faisons en sorte qu’en 2018, il accomplisse quelques petits miracles.

 

Fabienne Cabado
Directrice générale du Regroupement québécois de la danse

Perspectives numériques

Comme bien du monde ayant grandi loin des écrans, je nourris une relation ambiguë avec les technologies, que je perçois comme une menace autant qu’un facteur de progrès. Le fait est que bien des questions éthiques soulevées par les avancées galopantes du numérique restent dans les angles morts du citoyen moyen et des gouvernements. Du côté des arts, les orientations des programmes de subvention poussent les individus et les organisations à un virage numérique auquel certains résistent. Par manque d’intérêt, par manque de moyens, par peur ou encore, par manque de compréhension. Je commence personnellement tout juste à mieux cerner le concept de culture numérique et j’y trouve, surprise, le terreau d’une utopie sociale.

Vous avez du mal à saisir de quoi on parle exactement quand on évoque la littératie numérique? Normal. Il n’en existe apparemment pas de définition consensuelle. À la base, la littératie est l’ensemble des connaissances en lecture et en écriture permettant d’être fonctionnel en société. Dans le cas qui nous occupe, on parle donc d’une culture qui combine plusieurs éléments: les aptitudes cognitives et technologiques pour utiliser les outils et applications numériques ainsi que les compétences intellectuelles pour aborder de façon critique les contenus des médias numériques. Certains incluent également les comportements éthiques à adopter dans le monde numérique.

Les panélistes invités par le Conseil des arts du Canada (CAC) à traiter du sujet lors de la rencontre  annuelle des organismes nationaux de services (ONSA), tout début décembre, ont insisté sur le fait que le virage numérique ne consiste pas à numériser nos archives ni à produire les plateformes les plus grandioses, mais plutôt à transformer nos manières de regarder le monde, de le penser, de le construire et d’y évoluer. Ils l’ont dit et répété: l’innovation réside avant tout dans l’adoption d’une pensée systémique.

Qu’entend-on par pensée systémique? Il s’agit de développer une perspective holistique sur le monde, de le considérer comme un ensemble mouvant et, par conséquent, de remettre perpétuellement en question nos perceptions et conceptions des écologies de nos milieux, de nos rôles, de nos missions, etc. Ce type de pensée implique également de privilégier des systèmes de collaboration ouverts, basés sur des partenariats établis selon nos compatibilités culturelles, sur la créativité ainsi que sur l’ouverture de nos bases de données pour produire, non plus des plateformes, mais des systèmes interopérables. Des idées que l’on retrouve en partie dans la Stratégie numérique du Québec dévoilée cette semaine et au développement desquelles les 85 M$ du Fonds Stratégie numérique du CAC sont consacrés pour quatre ans.

En d’autres termes, l’ensemble de nos modèles de fonctionnement serait à revoir, conseils des arts compris. De fait, la mécanique des critères d’amissibilité, d’évaluation et d’attribution ne favorise pas l’ouverture à la liberté de pensée et à l’innovation organisationnelle auxquelles la culture numérique nous invite. Car, nous dit-on, il nous faut apprendre à passer de la compétition, de l’isolement et du protectionnisme, à la coopération et à la mutualisation des biens et des connaissances. Il nous faut également déhiérarchiser les structures organisationnelles, généraliser l’horizontalité dans les processus de décision, favoriser l’empowerment des citoyens et des communautés.

Ainsi, la culture numérique nous enjoindrait à adopter les concepts et les valeurs de l’humanisme, plaçant le partage des pouvoirs et de la richesse et donc, l’équité, au cœur des enjeux. Elle supposerait un revirement historique dans l’histoire de l’humanité et impliquerait d’inventer de nouveaux modèles sociaux, économiques et politiques. Une belle utopie en total contraste avec les comportements des géants du web, de la finance et avec les politiques de bien des gouvernements.

 

Fabienne Cabado
Directrice générale du Regroupement québécois de la danse

Redistribution des surplus budgétaires de plus de 2G$, et combien pour les arts et la culture?

MONTRÉAL, le 21 nov. 2017 /CNW Telbec/ – La Coalition La culture, le cœur du Québec constate avec déception et amertume l’absence d’investissement dans les arts et la culture, à l’occasion de la mise à jour économique effectuée par le ministre des Finances, Carlos Leitão. Malgré d’éloquentes démonstrations faites par le secteur des arts et de la culture aux représentants gouvernementaux lors des consultations sur la politique culturelle, le gouvernement de monsieur Couillard ignore une fois de plus la précarité économique dans laquelle sont plongés des dizaines de milliers d’artistes et de travailleurs culturels du Québec.

Arts de la scène, arts visuels, métiers d’art, littérature, cinéma, télévision, musées, salles d’exposition, salles de spectacle, nouveaux médias et patrimoine sont tous constitutifs d’un héritage culturel menacé par l’inaction gouvernementale. Omniprésente dans la vie de tous les Québécois, la culture et ceux qui l’incarnent forment une richesse nationale en droit de bénéficier d’un soutien suffisant de l’État. Lors de la rencontre prévue en décembre avec la ministre de la Culture et des Communications, madame Marie Montpetit, les membres du comité directeur de la Coalition espèrent recevoir un message clair et rassurant quant à l’engagement significatif et durable du gouvernement.

Les questions liées aux arts et à la culture doivent transcender la politique partisane et les réinvestissements ne doivent pas attendre les calendriers électoraux pour être annoncés. Le gouvernement doit sentir l’urgence de la situation et prendre la mesure de notre détermination à remettre la culture au centre des priorités gouvernementales.

Quelques mots sur la Coalition La culture, le cœur du Québec (CCCQ)
La Coalition La culture, le cœur du Québec est née des suites de la campagne La culture, le cœur du Québec – Pour des carrières durables en culture, lancée le 14 février 2017. Menée par un comité directeur composé des représentants d’une dizaine d’organismes membres, elle regroupe à ce jour quarante-cinq organismes rassemblant près de 150 000 artistes et travailleurs culturels. Par cette Coalition, le milieu culturel s’unit pour militer en faveur de meilleures conditions pour les ressources humaines en culture.
Source
Le comité directeur de la CCCQ

Christine Bouchard | En Piste – regroupement national des arts du cirque
Gilles Charland | Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son
Fabienne Cabado | Regroupement québécois de la danse
Louise Chapados | Conseil des métiers d’art du Québec
Bastien Gilbert | Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec
Isabelle L’Italien, Conseil québécois des arts médiatiques
Sylvie Meste | Conseil québécois du théâtre
Franck Michel | Culture Montérégie
Sonia Pelletier | Regroupement des arts interdisciplinaires du Québec
Julie-Anne Richard | Réseau indépendant des diffuseurs d’événements artistiques unis
Dominic Trudel |Conseil québécois de la musique

Renseignements
Sylvie Raymond, coordonnatrice de la Coalition La culture, le cœur du Québec: 450 880-2562 ou sylvieraymond@ordiamicus.com;
Catherine Escojido: 514 927-8807 ou cescojido@aqtis.qc.ca.

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