Le comité Mieux investir le territoire québécois prend le pouls auprès des professionnels de la danse
Dans la continuité des activités de concertation du RQD visant l’élaboration d’un plan de relance pour la danse professionnelle, le comité Mieux investir le territoire québécois* a rencontré une trentaine d’artistes et de travailleurs culturels** en danse, le 25 septembre 2020, pour réfléchir collectivement aux besoins à combler et aux actions à mettre en oeuvre pour accroître la présence et le rayonnement de la danse sur l’ensemble du territoire québécois dans un contexte où les tournées internationales sont extrêmement limitées.
Tenir compte de toutes les réalités territoriales
La polarité Montréal/régions est ressortie d’emblée des discussions. Certains participants ont rappelé que la danse est présente partout au Québec et pas seulement dans les grands centres urbains. D’autres ont parlé de «montréalocentrisme» — un terme qui n’a pas fait l’unanimité —, soulignant la place prépondérante généralement donnée aux artistes ou aux «façons de faire» de la métropole. Le nom même du comité «Investir le territoire» a été remis en question, en ce qu’il pourrait donner l’impression que le territoire n’est pas développé et qu’il faudrait une intervention extérieure pour ce faire. Un intervenant a défendu que les grands centres sont importants pour la formation et l’émulation et que Montréal est un moteur ayant permis à des générations d’artistes d’évoluer. L’idée a émergé de rebaptiser ce comité «Mieux habiter le territoire québécois» et les discussions se sont recentrées sur les moyens d’accroître et de consolider la présence de la danse à travers le Québec.
Pour favoriser le développement territorial, on a notamment encouragé une réciprocité dans la diffusion, pour que les œuvres d’artistes installés en région puissent aussi être vues dans les grands centres urbains. On a aussi mentionné l’importance des échanges via des plateformes numériques, comme les activités de réseautage virtuelles de La DSR, qui ont notamment permis de mettre en contact des acteurs de différentes régions et de maintenir les opportunités de dialogue avec les diffuseurs pluridisciplinaires et avec les artistes de partout au Québec.
Quelle place pour la danse au Québec?
Sans dresser un portrait de situation exhaustif, plusieurs éléments ont été nommés pour donner à mieux saisir la place qu’occupe la danse sur le territoire. On a rappelé qu’il existe des pôles où la danse est particulièrement active, Sherbrooke et Québec par exemple. On a cité des réseaux très actifs qui soutiennent la diffusion, comme La danse sur les routes du Québec (DSR), Réseau des Organisateurs du Spectacle de l’Est du Québec (ROSEQ) ou encore RIDEAU.
Si la danse professionnelle a développé des réseaux de diffusion en région, les artistes professionnels semblent encore peu nombreux à s’y être établis. La pratique amateur y est pourtant bien développée et s’avère parfois un important levier pour développer les publics de la danse. Au chapitre des a priori, des participants ont également appelé à cesser d’imaginer que le public en région est plus réfractaire ou «frileux» face à l’art chorégraphique, affirmant qu’il est prêt, au contraire, à recevoir des propositions plus «excentriques». Sur la question des publics, un participant s’est par ailleurs dit curieux de comparer le taux de fréquentation des spectacles au nombre d’habitants. De fait, un spectacle joué à Rouyn-Noranda (qui rassemble autour de 42 000 habitants) devant une vingtaine de personnes ne devrait-il pas être considéré comme un succès?
On s’est questionné sur la possibilité de mieux documenter la présence de la danse au Québec et on a rappelé l’existence de la Cartographie de la danse au Canada, créée par le Conseil des arts du Canada, puis actualisée par l’Assemblée canadienne de la danse. On a aussi parlé de la richesse des informations recensées dans le Rapport annuel de La DSR, qui identifie notamment le nombre de spectacles, de représentations, de spectateurs en danse, en plus de souligner les bons coups de diffuseurs sur l’ensemble du territoire.
Quelles relations développer entre artistes et diffuseurs?
Le besoin de resserrer les liens entre artistes et diffuseurs, qui se faisait déjà sentir avant la pandémie, apparaît d’autant plus crucial aujourd’hui que le confinement a imposé l’annulation ou le report de nombreux spectacles, mais aussi de rencontres et d’événements de réseautage.
Une représentante d’un diffuseur pluridisciplinaire s’est étonnée de l’absence de ses pairs, tout en soulignant le manque généralisé de temps et de ressources pour participer à des rencontres comme celle-ci, malgré le bon vouloir de certains. La période actuelle est d’autant plus surchargée que les besoins et les demandes des artistes sont grandissants. Hélas, les ressources des diffuseurs ne sont pas suffisantes pour les satisfaire. Elle appelle cependant à travailler selon des principes de confiance et de respect mutuels: la confiance des artistes envers les diffuseurs qui ont développé et établi des relations avec des institutions et des publics locaux et, d’autre part, le respect des diffuseurs envers les artistes qui ne souhaiteraient pas animer des ateliers pour aller à la rencontre du public, par exemple.
La rencontre entre artistes et diffuseurs peut également se faire à travers des rendez-vous comme le FTA, le OFFTA, CINARS, RIDEAU, Parcours Danse, etc. Le fait est que la collaboration entre artistes et diffuseurs demande temps et patience pour se développer.
Une participante a invité à mettre en valeur les bons coups et les échanges réussis entre artistes et diffuseurs. La DSR a mentionné qu’elle y travaillait déjà et le RQD, qu’il envisageait de mettre en valeur des initiatives régionales inspirantes.
Quel rôle le numérique peut-il jouer dans le développement territorial?
Si le numérique peut être un outil intéressant de diffusion et offrir une portée nouvelle à des projets artistiques, il offre aux spectateurs une expérience bien limitée par rapport au spectacle vivant. Une participante rappelle que ce mode de diffusion appliqué à la danse existait déjà avant la pandémie et qu’il est possible qu’il s’impose encore pour longtemps. Elle invite à identifier clairement en quoi le numérique joue déjà un rôle dans le développement territorial pour voir ce qui peut être renforcé, développé ou adapté aux besoins spécifiques de la danse.
Les outils numériques peuvent aussi contribuer à maintenir des relations professionnelles sur l’ensemble du territoire et à l’international. Plusieurs participantes ont ainsi nommé des expériences positives que le numérique a offertes en période de confinement. Malgré certaines difficultés logistiques, les outils numériques ont notamment permis d’élargir l’accès à des entraînements, des classes de maîtres ou de nouveaux types de résidences, parfois plus difficilement accessibles en région. Le numérique aurait-il un rôle à jouer pour renforcer les liens entre les professionnels de Montréal et ceux des régions? Et, plus largement, entre le Québec, les autres provinces canadiennes et l’international? Cependant, pour développer ces opportunités, il faudra du temps, des ressources humaines et financières et se rappeler que l’accès à Internet n’est pas le même d’une région à l’autre. Ces défis techniques peuvent représenter un obstacle de taille et contrevenir aux efforts d’accessibilité.
En période de pandémie, le déploiement territorial québécois apparaît d’autant plus important que la danse ne peut (presque) plus circuler à l’international. Cette rencontre de milieu entre artistes et travailleurs culturels a permis d’identifier une série d’enjeux à prendre en considération et de rappeler l’importance de travailler de pair avec les acteurs locaux. Le RQD remercie chaleureusement les membres du comité Mieux investir le territoire québécois et les participants à la rencontre qui ont généreusement contribué à nourrir ces réflexions. Une synthèse des travaux de concertation sera publiée dans les prochaines semaines.
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* Le comité est composé de: Antoine Turmine, Audrée Juteau, Francine Bernier, Lük Fleury, Pierre-David Rodrigue, Sarah Bronsard, Sylvain Émard et Sébastien Provencher. Il a tenu quatre séances de travail de deux heures avant la rencontre avec le milieu.
** On comptait environ 33% d’artistes, 25% de diffuseurs, 23% de représentants de compagnies, 10% de représentants d’organismes de services et 10% de non-membres.