Intérêts particuliers et bien commun
On a beau tout mettre en œuvre pour parer aux urgences, cette deuxième vague de COVID-19 prend des allures de tsunami. Elle ravage le secteur de la danse déjà laissé exsangue par le cataclysme survenu en mars. En refermant de ses zones rouges l’horizon de la reprise, elle multiplie les deuils, nous replonge dans l’anxiété. Lame de fond provoquant l’éclatement de nos référents et de nos certitudes, la crise de la COVID-19 nous prive de certaines de nos joies et libertés. Elle érode le tissu social dont elle exacerbe toutes les violences et toutes les injustices, active un intolérable sentiment d’impuissance ainsi que les colères et revendications qui en découlent. Que faire lorsque le bateau coule et que, à l’évidence, on manque de canots de sauvetage? La réponse à une telle question ne saurait être simple ni monolithique. Elle ne saurait non plus être trouvée autrement que collectivement, en cultivant l’espoir, la solidarité et notre humanité.
Les dangers sont nombreux dans ce qui nous arrive. Sachons bien les identifier et garder notre milieu uni face à l’adversité. Continuons de forger une communauté assez ouverte pour que chacun y trouve une place et assez forte pour affronter la crise en limitant les pertes. Réfléchissons ensemble aux revendications à porter pour défendre l’avenir de la discipline et de tous ses acteurs. Controns l’isolement et la menace de l’effritement des liens qui nous unissent auxquels nous confrontent les mesures de distanciation sociale en réitérant certains des engagements pris par plus de 200 professionnels de la danse dans une déclaration d’intentions formulée lors des Seconds États généraux de la danse, en 2009. Elle s’intitule Solidairement nôtre et en voici quelques extraits.
(…) «Ainsi donc, dès maintenant et pour les années à venir, nous nous engageons à pratiquer en toute circonstance un optimisme éclairé et combatif, contre le pessimisme, le défaitisme et le fatalisme ambiants qui siéent mal à la danse, un art de vivre et d’avenir.»
(…) «Contre le sentiment d’isolement, de non-reconnaissance, d’iniquité générationnelle et intergénérationnelle, nous nous engageons à cultiver l’esprit d’entraide, de partage, de coopération, à reconnaître la place de chacun, quels que soient son âge, son style de danse, son école d’appartenance, sa provenance géographique, son métier.
Contre le préjugé, l’ignorance, la passivité, nous nous engageons à nous informer, à valoriser le savoir, la curiosité, la connaissance de ce qui existe, nous précède, nous entoure, de qui fait quoi, qui peut faire quoi, qui sont nos modèles, nos leaders, nos alliés, nos partenaires.»
(…) «Ainsi donc, nous nous engageons à demander plus et mieux pour soi-même et pour les autres, préférant l’émulation et l’enrichissement collectif à la règle du chacun pour soi, du sauve qui peut!»
Rédigés en amont du Plan directeur de la danse professionnelle au Québec 2011-2021, ces engagements sont d’une totale pertinence pour renforcer la cohésion d’une communauté qui s’est particulièrement diversifiée dans la dernière décennie et pour favoriser la prise en considération des intérêts de l’ensemble de ses composantes dans une perspective de bien commun et de développement durable.
Fabienne Cabado
Directrice générale du Regroupement québécois de la danse