Comment effectuer un retour en studio sécuritaire? Le RQD sonde le milieu de la danse
Plus de 200 professionnels de la danse ont pris part à une rencontre virtuelle organisée par le Regroupement québécois de la danse (RQD) le lundi 11 mai pour échanger sur les conditions nécessaires au retour en studio dans le contexte de pandémie de COVID-19, sur les mesures sanitaires à proposer à la direction de la Santé publique pour obtenir son feu vert et sur les mécanismes à mettre en œuvre pour rendre les espaces disponibles accessibles à un maximum de personnes lors du déconfinement. Les réflexions, questionnements et pistes de solutions partagés à la fois par des interprètes, chorégraphes, enseignants et diffuseurs dont, parmi eux, certains locateurs de studio, ont traduit une volonté sincère d’œuvrer de manière solidaire et concertée pour un retour en studio le plus adéquat possible.
La directrice générale du RQD, Fabienne Cabado, a ouvert la séance en énonçant les limites du travail en ligne, tant pour l’enseignement que pour l’entraînement et la création. Elle a notamment relevé une série de défis liés à la santé-sécurité des danseurs, de même que les problèmes économiques engendrés par des blessures dans le contexte d’entraînement à la maison non couvert par la CNESST. Que les créateurs choisissent la voie du numérique ou pas, le travail en présentiel reste une nécessité. Si certains envisagent le port du masque dans le cadre d’un retour en studio, la danse est une activité exigeante du point de vue cardiorespiratoire et cela constituerait non seulement une grande contrainte, mais aussi un obstacle majeur à certaines activités artistiques.
La sécurité avant tout
Tant les propriétaires de studios que les artistes ont nommé différentes préoccupations concernant cet enjeu majeur. Comment s’assurer du respect des règles en vigueur? Comment faire en sorte que les danseurs se sentent en sécurité? Et qui, du locataire ou du propriétaire, sera responsable de l’application stricte des mesures sanitaires? Qui porterait la responsabilité vis-à-vis des étudiants et des artistes si certains d’entre eux contractaient le virus dans le cadre de leur travail en studio?
Certains locateurs ont déjà commencé à établir des scénarios pour adapter leur mode de fonctionnement, comme espacer les réservations ou renforcer les mesures d’hygiène. Les interprètes se sont montrés unanimement en faveur de la création d’un répertoire des espaces disponibles pour s’entraîner ou créer et d’une plateforme de réservation.
En ce qui concerne les classes de danse, on a émis l’idée de les filmer depuis le studio et de les retransmettre en vidéo pour diminuer la participation en présentiel et en faire tout de même bénéficier un grand nombre de danseurs.
La volonté d’offrir de bonnes conditions de pratique aux artistes a été exprimée et renforcée par l’idée de s’assurer du consentement de chacun à travailler dans un contexte où le risque d’infection ne peut être nul.
La survie des studios
Plusieurs propriétaires de studios se sont montrés inquiets quant à la pérennité de leurs espaces. Certains éprouvent des difficultés à payer leur loyer et s’interrogent sur la prise en charge des nouvelles dépenses pour assurer la sécurité sanitaire des lieux. Quelle sera la rentabilité des studios en vertu des nouveaux paramètres d’exploitation des lieux? L’éventualité d’une augmentation des coûts de location fait également craindre la perte de clients.
L’existence de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC) a été rappelée et l’idée de mettre en place une plateforme de dons pour compenser les frais non couverts par ce programme a été évoquée.
Inventer de nouvelles manières de créer?
La prévisible diminution considérable des projets artistiques, liée notamment aux conditions pour occuper les studios, a posé la question de la réorganisation du travail de création. Plusieurs artistes ont exprimé le souhait de se consacrer plus profondément à un projet au lieu de les multiplier, comme c’est souvent le cas pour les interprètes travailleurs autonomes.
Les interprètes travaillant souvent simultanément sur plusieurs projets, l’idée de mettre sur pied un calendrier partagé entre les chorégraphes et les agents afin d’organiser au mieux les horaires des danseurs a séduit plusieurs personnes.
La notion de “résidence fermée” a également été évoquée: il s’agirait de consacrer un espace de création à un seul groupe de personnes durant une période définie.
Plusieurs ont nommé la crainte de voir leurs projets artistiques dénaturés, voire formatés, au regard des nouvelles conditions qui seront à respecter, que l’on pense à la limitation du nombre de danseurs, à l’impact de la distanciation physique dans un art où le contact physique est central, etc.
Si certains se questionnent sur une manière de fonctionner à court terme, d’autres pensent qu’il est important de réfléchir dès à présent à la transition vers le retour à la normale. Regarder ce qui se fait à l’extérieur du Québec et du Canada dans des zones déconfinées pourrait apporter des éléments de réponse.
La nécessaire reprise de la formation
Des représentants de cégeps et d’écoles de formation en danse ont pointé la nécessaire reprise de leurs opérations à la rentrée en automne, sous une forme ou une autre, pour assurer la formation de la relève et pour certains, la viabilité-même de leur organisation. De fait, la peur de la contamination pourrait rendre le recrutement d’étudiants difficile.
Le Réseau d’enseignement de la danse a mentionné avoir recensé dans un document les enjeux, réflexions et pistes de solution pour permettre la reprise des classes de danse du secteur loisir à la rentrée.
D’une voix commune, les personnes impliquées dans la formation professionnelle et récréative en danse ont décidé de mettre sur pied un groupe de concertation pour poursuivre la discussion.
Outre la volonté du milieu de se concerter, la majorité des participants à la rencontre se sont montrés déterminés à continuer à élaborer des scénarios pour être prêts au moment opportun, exprimant le besoin d’obtenir du gouvernement des consignes claires sur les mesures à mettre en place et les conditions requises pour favoriser une relance sécuritaire. Une réflexion poussée quant au financement des artistes serait également de mise, certains ayant d’ailleurs revendiqué la mise en place d’un revenu minimum garanti et d’autres, la prolongation de la Prestation canadienne d’urgence jusqu’à la reprise totale des activités. Plusieurs ont souligné que le soutien à projet était inadéquat dans le contexte de la crise et que la prolongation de cette mesure pourrait notamment leur permettre de se consacrer plus en profondeur à la recherche-création. Enfin, des participants ont appelé à la collaboration entre professionnels de la danse et experts en santé publique pour que les spécificités des arts de la scène soient bien cernées et que le gouvernement puisse offrir une réponse adaptée aux enjeux du milieu pour le retour en studio.
Le RQD vous tiendra informés des développements sur ces questions et poursuivra ses actions de concertation dans les prochaines semaines. Gardez l’oeil ouvert!