Rêver mieux
Dans mon tout premier édito, je me demandais comment stimuler la réflexion pour trouver des solutions inattendues à des problèmes connus, de nouvelles façons de vivre et de grandir ensemble. Un an plus tard, le renouvellement de la Politique québécoise de la culture ouvre les perspectives d’un futur à inventer et à bâtir collectivement. L’enjeu macro : positionner les arts comme une vraie priorité gouvernementale et dégager des budgets suffisants pour favoriser les développements disciplinaires et l’amélioration nécessaire des conditions socioéconomiques des artistes et des travailleurs culturels. Un vieux rêve dont la concrétisation ne dépend que d’une volonté politique.
En réponse à la forte mobilisation dénonçant les insuffisances budgétaires du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et aux actions individuelles et collectives des membres du Mouvement pour les arts et les lettres et de la Coalition La culture, le cœur du Québec, le ministère de la Culture et des Communications (MCC) a réuni les milieux artistiques au sein de comités de travail. Mais si nos voix sont ainsi entendues, rien ne nous garantit que nos arguments seront compris et nos besoins, satisfaits.
Pour plusieurs des représentants des associations et regroupements nationaux participant à ces comités, les solutions inattendues aux problèmes connus seraient que le plan d’action de la future Politique québécoise de la culture soit assorti de mesures législatives et budgétaires qui permettent de changer réellement la donne. De faire en sorte que tous les acteurs des milieux artistiques puissent se consacrer à leur mission et à créer de la richesse plutôt que de perdre leur temps à justifier la légitimité de leur existence, à se battre pour une juste reconnaissance de leur apport à la société.
À l’heure où le gouvernement Couillard développe une stratégie pour «amener les secteurs d’activité traditionnellement au cœur de notre économie à se moderniser» et investit près de 2,8 milliards de dollars sur 5 ans pour «encourager nos manufacturiers à innover, stimuler l’exportation et mieux outiller nos PME», osera-t-il innover – et ce serait là un évènement historique, un coup de maître – en reconnaissant la culture comme un pilier de l’économie québécoise et en intégrant les artistes et les organismes artistiques à son projet? Osera-t-il transposer aux arts le discours de sa ministre de l’Économie déclarant qu’il faut «que chaque idée qui émerge puisse être menée au bout d’elle-même», qu’il faut «encourager et développer nos talents, et ce, dès le primaire»?
Et s’il choisit d’investir plus de 45 M$ pour stimuler l’innovation dans le secteur forestier et plus de 48 M$ pour favoriser le développement de celui du manufacturier innovant, qu’est-ce qui pourrait bien l’empêcher d’ajouter au budget du CALQ les 40 M$ réclamés depuis bientôt 10 ans par les milieux artistiques? Qu’est-ce qui pourrait l’empêcher de rêver mieux pour la société québécoise, de miser aussi sur son cœur créatif, sur ceux et celles qui contribuent à forger son identité et qui en font la fierté?
Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD