Justice pour les oubliés de la culture
Entre danses ancestrales et peintures rupestres, l’art fut ce qui, il y a plusieurs millions d’années, nous distingua dans le règne animal. Paradoxe de l’évolution: aujourd’hui encore, il faut défendre l’idée qu’il est une composante essentielle de l’humanité. À l’ère de la mondialisation des marchés et de la crise économique permanente, il est même devenu nécessaire de prouver qu’il ne s’inscrit pas seulement au poste des dépenses de notre société. Même si l’on sait que ses retombées ne se mesurent pas qu’en dollars. Dans ce contexte, une toute nouvelle coalition s’efforce de convaincre le gouvernement québécois d’accorder autant de considération aux personnes qui travaillent en art et en culture qu’à la main-d’œuvre d’autres secteurs d’activité.
Mais les croyances ont la vie dure: les chiffres ont beau démontrer que la culture génère plus de richesse que d’autres secteurs, on rechigne à lui donner les moyens de ses ambitions alors qu’on investit sans ciller dans nombre d’industries pour sauver des emplois. Il faut dire qu’avec ses 60% de travailleurs autonomes, la main-d’œuvre en culture, artistes inclus, est quasiment absente des statistiques qui inspirent les orientations politiques. Des pigistes perdent des contrats et voient leurs revenus baisser parce que la situation financière de leur clientèle se dégrade? Cela ne fait tinter aucune sonnette d’alarme dans les hautes sphères. Pourtant, sur le terrain, devoir se priver d’un danseur, d’un rédacteur, d’un agent de diffusion ou de tout autre collaborateur a des conséquences néfastes sur le développement des carrières, des organismes et de la discipline tout entière.
Parallèlement, le faible taux de rémunération des salariés et des contractuels nuit au renforcement des secteurs artistiques. Usés par la piètre qualité des conditions socioéconomiques, les talents se détournent de leur vocation première (une chorégraphe devient directrice de production, un interprète se tourne vers l’enseignement, une médiatrice culturelle devient gestionnaire, etc.) quand ils ne quittent pas carrément leur milieu professionnel qui subit alors une perte totale.
C’est pour ces raisons, et pour quelques autres, qu’est née la Coalition, La culture, le cœur du Québec. Composée de 46 organismes parmi lesquels le RQD, elle a planché sur un Plan d’action avec pistes d’intervention qu’elle a transmis cette semaine au ministre de la Culture et des Communications du Québec. Ses ambitions: améliorer le sort des artistes, artisans et travailleurs culturels et, du même coup, faire de ce secteur économique un creuset plus puissant de la créativité et de l’innovation québécoises, un terreau plus fertile pour la croissance des individus, des groupes et pour la cohésion sociale, et le producteur d’œuvres et de savoir-faire encore plus exportables.
Accaparés par des actualités plus brûlantes, les médias ont malgré tout offert quelque écho à l’annonce de la nouvelle. Le sujet est si vaste qu’il peut toujours faire l’objet d’articles de fond dans divers types de publications. N‘hésitez pas à aiguiller les journalistes que vous connaissez vers cette piste. Pour l’heure, réjouissons-nous de l’ouverture du Ministère à recevoir une délégation de cinq représentants de la Coalition et attendons de pouvoir mesurer l’intérêt que la nouvelle Politique culturelle du Québec va porter aux ressources humaines. Un autre dossier à suivre attentivement.
Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD
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